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Bénévolat en temps de crise : (re)configurations des engagements (session 2 of 2)

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June 30, 2021 15:00
to
June 30, 2021 16:30
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Organizers

Maëlle Meigniez; Dominique Malatesta; Carola Togni

Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HES-SO)

Speakers

Sandrine Cortessis, IFFP Renens; Amélie Deschenaux, IFFP Renens

Joan Stavo-Debauge, LaSur (EPFL¹) / Thema (UNIL³) / CEMS (EHESS²); Marie Trossat, LaSur (EPFL¹) / CriDis (UCLouvain⁴)

¹École polytechnique fédérale de Lausanne; ²École des hautes études en sciences sociales ;³Université de Lausanne; ⁴Université catholique de Louvain

Maëlle Meigniez; Carola Togni; Dominique Malatesta

Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HES-SO)

La crise sanitaire actuelle a été la scène d’apparition de nombreux appels à l’entraide et à la solidarité, pour faire face au creusement des inégalités, à la précarisation des conditions de vie des plus vulnérables ou encore à l’isolement des personnes âgées confinées. Distributions alimentaires, réseaux d’entraide de voisinage, groupes d’échange virtuels, visites à domicile, etc.; autant d’actions collectives et d’initiatives citoyennes qui ont pris en charge une certaine organisation de l’aide. Dans ce contexte incertain, l’engagement bénévole revient en effet sur le devant de la scène pour se présenter comme un vecteur essentiel de solidarité et de lien social.

A partir de ce constat, nous souhaitons dans cette session interroger les configurations et reconfigurations des engagements bénévoles lors des moments de crise, comme celui que nous vivons actuellement avec la pandémie de Covid19. Intégrant également une dimension socio-historique, il s’agira de mettre en perspective la place actuelle que peut prendre le bénévolat, en regard d’autres périodes historiques marquées par l’incertitude et les transformations des relations sociales.

Le bénévolat de care, qui fonde ses engagements sur l’attention portée à autrui, prend plus que jamais une signification sociale qu’il s’agit de questionner sous l’angle des enjeux qu’il met en lumière – autant du côté des populations aidées que des bénévoles. L’éthique du care (Laugier 2009) permet en effet de comprendre le sens et la part bénévole du prendre soin, tout particulièrement dans les moments de crise à large échelle qui creusent les inégalités et renforcent les situations de précarité et de dépendance. L’engagement bénévole de care pose ainsi la question de la justice sociale, à la fois en termes de reconnaissance et de redistribution (Fraser 2004). La reconnaissance des personnes – principalement des femmes – qui œuvrent pour ce prendre soin de manière non-rémunérée, mais également la reconnaissance du caractère indispensable des tâches accomplies ainsi que de la redistribution de ce travail au sein de la société (notamment entre les sexes, entre les classes sociales, entre les personnes rémunérées ou non, entre professionnel·les et profanes, etc.). Se pose ainsi la question de la recomposition des formes et de l’organisation de l’aide dans des espaces professionnels ou non, institutionnalisés ou non.

A la croisée d’une analyse de l’engagement et d’une perspective de care, cette session vise à mettre en discussion des contributions permettant de comprendre : comment les moments de crise transforment les engagements bénévoles ? A quelles conditions et dans quelle mesure le bénévolat peut se présenter comme un espace d’exercice de la citoyenneté favorisant des formes de reconnaissance et de redistribution ?

Mots-clés : bénévolat, engagement, care, crise.

Quand le care devient une activité fragmentée, frontières du travail entre bénévoles et personnels soignants

Sandrine Cortessis, IFFP Renens; Amélie Deschenaux, IFFP Renens

Dans le contexte actuel de pénurie de personnel soignant, quel est le rôle des bénévoles intervenant en milieu hospitalier ? Que nous révèle-t-il de la prise en charge du care dans notre société ? Si l’existence-même du bénévolat en hôpital peut se concevoir comme une forme d’aveu d’échec, du moins en partie, de la mission de care en institution hospitalière, nous observons que la façon dont se divise et se réparti la mission de care entre bénévoles et professionnel-le-s est à l’origine de frustrations dans l’exercice de leur activité. Les conditions de l’engagement des bénévoles répondent-elles ainsi réellement à leurs attentes et correspondent-elles à leurs motivations et raisons de s’engager ? Les bénévoles intervenant dans l’institution de notre enquête étant âgés de 20 à 82 ans, notre interrogation porte également sur leur posture spécifique à différents âges et différents stades de leur vie.  Cette recherche questionne ainsi d’une part la place du bénévole et de sa mission dans le domaine du care, et s’intéresse d’autre part, aux attentes que les bénévoles expriment en fonction de leur statut social et leur parcours de vie, notamment en termes de reconnaissance.

La méthode d’enquête empirique de nature inductive menée auprès de bénévoles intervenant dans un hôpital universitaire suisse s’est déroulée selon les étapes suivantes : analyse des documents – information, inscription, chartes, consignes; observation-participante à la formation initiale obligatoirement suivie par tous les bénévoles; entretiens semi-directifs menés avec 12 bénévoles – échantillon représentatif du pool de bénévoles, lequel se veut correspondre à la diversité de la société civile en termes d’âges, de sexe et de profession; ainsi que 3 sessions de focus-groupe avec les mêmes 12 bénévoles. Les questions posées en entretien portaient principalement sur les motivations, les attentes initiales, les expériences significatives et le ressenti par rapport aux attentes. L’analyse a essentiellement été menée en termes de comparaison entre travail prescrit et travail réel ainsi qu’entre attentes des bénévoles en termes de reconnaissance et possibilités réelles de reconnaissance. Quant à l’analyse en fonction des générations, les trois grandes périodes de vie suivantes ont été considérés pour les bénévoles : début de la vie adulte, mitant de vie et séniorité.  

Nos résultats montrent d’une part la nature complexe de leur mission, laquelle consiste davantage en une présence qu’en une action (Tibi-Lévy & Bungener, 2017). Cette forme de division du travail du care – « pratique de soin » v/s « disposition affective » (Molinier, 2010 : 165) – entre membres de l’équipe soignante et bénévoles permet par ailleurs d’interroger la définition-même de l’activité de care (Tronto, 2008). D’autre part, et malgré les nombreuses difficultés rencontrées par les bénévoles dans l’exercice de leur mission ainsi que la nature sensible du contexte dans lequel ils interviennent, nos résultats montrent qu’ils possèdent diverses motivations, raisons de s’engager et attentes, lesquelles sont d’ailleurs plus ou moins comblées par l’engagement bénévole. Elles varient en fonction du genre, du statut social et des générations, notamment dans le rapport qu’elles impliquent à la sphère professionnelle et à la sphère domestique.

Références :

Molinier, P. (2010). Ambivalence du travail du soin, In Catherine Halpern, La santé, Editions Sciences Humaines, 163-166.

Tibi-Lévy, Y., & Bungener, M. (2017). « Ȇtre là pour être là »: discours croisés sur le bénévolat d’accompagnement. Sciences sociales et Santé, 35(2), 5-31.

Tronto, J. C. (2008). Du care. Revue du MAUSS, (2), 243-265.

Keywords:  Bénévolat, care, engagement, âges de vie, reconnaissance 

L’hospitalité « citoyenne » face aux mesures sanitaires de lutte contre la pandémie. Étude de cas de quelques bénévoles bruxellois

Joan Stavo-Debauge, LaSur (EPFL¹) / Thema (UNIL³) / CEMS (EHESS²); Marie Trossat, LaSur (EPFL¹) / CriDis (UCLouvain⁴)
¹École polytechnique fédérale de Lausanne; ²École des hautes études en sciences sociales ;³Université de Lausanne; ⁴Université catholique de Louvain

Parce qu’elles agissent doublement sur les espaces de la vie sociale et sur les espacements entre ceux qui y prennent part, les mesures « barrières » affectent fondamentalement l’hospitalité (Stavo-Debauge, Felder & Pattaroni, 2021) — que l’on ne comprend pas seulement comme une « vertu » des personnes mais aussi comme une « qualité » des environnements (Stavo-Debauge, 2017 & 2020). En effet, ces mesures ne s’attaquent pas seulement aux espaces, mais aussi et d’abord aux espacements, leur véritable cible et leur premier levier : il s’agit d’écarter les humains les uns des autres afin de diminuer les occasions de propagation du virus. Avec le confinement, ces mesures d’espacement sont allées jusqu’à une temporaire, mais drastique, mise à part et à l’écart, où chacun était appelé à « rester à la maison » et à s’y garder de toute visite, en ne laissant pas seulement amis ou connaissances au seuil, mais aussi celles et ceux à qui une hospitalité de fortune se donnait. En son déploiement ordinaire, cette politique de santé publique s’avérait donc foncièrement inhospitalière : par cette mesure et afin de lui donner effet, les autorités appelaient les particuliers à éviter d’ouvrir leur demeure, les visitations et invitations devaient y être suspendues, au nom d’impérieuses raisons sanitaires et pour le bien de tous. À Bruxelles, lieu de notre enquête, cette politique n’a pas été sans ébranler l’ensemble des personnes privées qui prenaient leur part dans l’accueil ponctuel et bénévole des migrants et « transmigrants » dont l’occupation du Parc Maximilien et de la gare du Nord avait révélé l’existence (ARCH, 2019). Nous aimerions revenir ici sur les « solutions » inventées dans l’urgence par une variété d’hébergeurs (certains affiliés à des associations, d’autres non) qui eurent à mesurer leur capacité à donner l’hospitalité dans une telle situation, où les risques encourus prenaient un tour sanitaire. Contrastant plusieurs cas, nous nous demanderons également si la succession des confinements a, ou non, été l’occasion d’un apprentissage. Les bénévoles ont-ils appris à vivre avec le virus, cette invisible et indésirable étrangeté qui touchait à leur capacité à faire de leur hospitalité privée une politique d’un extraordinaire quotidien ? On le verra,  certains hébergeurs ont proposé à leur hôte l’option de rester ou de partir : ceux qui sont restés se sont retrouvés coincés avec ceux qui les ont reçu dans une immobilité et proximité inédites. On montrera également que la pandémie a renforcé une tendance qui se dessinait déjà : la raréfaction de l’hébergement privé « citoyen » – trop vite célébrée par l’anthropologue Michel Agier comme une alternative à l’inhospitalité étatique (Agier, 2018) – et la mise en place d’hébergements collectifs de petites échelles, comme le Diwan, infrastructure montée par une bénévole qui a choisi de fermer la porte de sa demeure personnelle mais n’en a pas moins continué à prendre soin des « transmigrants » durant le confinement.

Agier M., 2018, L’étranger qui vient, Paris, Seuil. 

ARCH (Action Research Collective for Hospitality), 2019, Whose Future Is Here : Searching for hospitality in Brussels Northern Quarter,  Bruxelles. 

Stavo-Debauge J., Felder M., Pattaroni L., 2021, « L’hospitalité urbaine au temps du Covid-19 : Les espaces de Genève sous contrainte d’une obligation d’espacement », (Article soumis à une revue et en cours d’évaluation).

Stavo-Debauge J., 2020, « De quoi (et pour qui) l’hospitalité est-elle une qualité ? », in S. Cloutier, S. Bourgault et S. Gaudet (dir.), Les éthiques de l’hospitalité, du don et du care, Ottawa, Presses Universitaires d’Ottawa.

Stavo-Debauge J., 2017, Qu’est-ce que l’hospitalité ? Recevoir l’étranger à la communauté, Montréal, Liber.

Keywords:  Bénévolat, COVID-19, hospitalité, migrants, action publique, crise sanitaire 

Aux frontières du bénévolat : la participation dans les centres de quartier

Maëlle Meigniez; Carola Togni; Dominique Malatesta
Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HES-SO)

La crise sanitaire déclenchée par la pandémie de Covid19 a poussé États, institutions, organisations et individus à redéfinir les formes de solidarité et d’engagement vers autrui. Concernant le bénévolat, certains observateurs soulignent les entraves à l’activité bénévole, en particulier celle exercée par les personnes âgées qui ont été fortement encouragées à ne pas sortir de chez elles. D’autres mettent en avant une attention et un souci renforcés, portés vers les proches et vers les personnes dont les conditions de vie ont été bouleversées par la crise, et ceci en dehors du bénévolat organisé et institutionnalisé. Ces engagements-là ont été particulièrement visibilisés par les médias et par les réseaux sociaux. Ce phénomène ouvre un débat sur les formes et les frontières du bénévolat, plus largement de l’engagement individuel et collectif.

Les centres d’animation socioculturelle lausannois sont un observatoire privilégié de ces frontières du bénévolat, entre formes d’engagement plus ou moins formalisés, auxquelles sont attribués des statuts différents. D’une part, pendant la crise, ces centres ont fait appel à des personnes habitant le quartier, notamment pour participer à la distribution de l’aide alimentaire d’urgence. D’autre part, plus généralement, ces lieux de l’animation socioculturelle – offrant des prestations à destination des enfants en dehors des temps scolaires mais aussi des adultes – ont connu une histoire et une professionnalisation toujours en étroite imbrication avec des engagements bénévoles, du fait même de leur ancrage dans le monde associatif. A partir d’une recherche menée à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO) étudiant les centres de quartier lausannois entre 1971 et 2020, nous montrerons qu’une approche par la participation révèle l’implication – essentielle au fonctionnement de ces espaces – de personnes qui ne sont pas toujours désignées officiellement sous le terme ou le statut de « bénévoles ». Une telle approche invite à rendre compte de l’engagement, en particulier de femmes, notamment dans des quartiers dits populaires qui concernent des populations qui ne sont pas toujours représentées dans les études ou les statistiques sur le bénévolat.

Dans cette communication, il s’agira donc de montrer non seulement comment la place du bénévolat se (re)configure dans le temps, mais également la part d’invisibilisation de certaines formes d’engagement qui ne sont pas identifiées comme tel. Se pose alors un enjeu fort de reconnaissance au sein de ces espaces qui se présentent comme une frontière – une zone grise – entre sphères privée et publique, notamment autour des activités de care. A partir des exemples de deux centres de quartier, nous décortiquerons l’articulation entre care et bénévolat pour finalement revenir à une éthique du prendre soin du quartier et de ses habitantes et habitants.

Keywords:  Bénévolat, centres de quartier, participation, care