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Penser le travail et les vieillesses : au croisement des sociologies (session 2 of 2)

From
June 30, 2021 15:00
to
June 30, 2021 16:30
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Organizers

Laura Guérin, Université de Lille; Valérie Hugentobler, HETSL; Cornelia Hummel, Université de Genève; Iris Loffeier, Hesav; David Pichonnaz, HES-SO Valais-Wallis; Isabelle Zinn, Université de Lausanne

Speakers

Marion Braizaz, Kevin Toffel & Angélick Schweizer, Haute école de santé Vaud (HES-SO)

Laura Guérin, Université de Lille

Alexandre Lambelet, Melissa Ischer & Valérie Hugentobler, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HES-SO)

L’espérance de vie à la naissance a fortement augmenté au cours du 20ème siècle, ce qui fait de la vieillesse un des grands défis de l’Etat-providence contemporain. L’ajout de plusieurs décennies d’espérance de vie, les modifications des structures de solidarité en direction des plus âgé·es mais également la diversification des manières de vieillir ont conduit à la mise en place de réponses collectives parmi lesquelles la professionnalisation de la prise en charge des personnes âgées occupe une place prépondérante. Porter un regard sociologique sur ces activités professionnelles et sur celles et ceux qui les exécutent nous semble dès lors important. C’est pourquoi cet atelier propose de poser spécifiquement sa focale sur le travail, les groupes professionnels et les bénévoles actifs et actives auprès des personnes âgées. 

L’atelier vise l’ensemble des professionnel·les de la vieillesse, qu’il s’agisse ou non de personnel soignant. Il s’agira d’explorer comment les professionnel·les appartenant à divers corps de métiers prennent en charge la vieillesse, en portant une attention particulière aux cultures professionnelles, aux tensions, aux frontières de métiers, mais également aux interactions et collaborations entre métiers « soignants » et « non-soignants », entre approches médico-soignantes et approches « alternatives ». Cet atelier réunit ainsi des chercheur·es s’intéressant à ces professionnel·les et bénévoles, et à leurs pratiques, et s’attachera plus largement à étudier les enjeux sociaux du vieillissement. 

Keywords:  Travail; Vieillesses; Institutions

Vieillir face au cancer. La sexualité, un impensé du suivi infirmier ?

Marion Braizaz, Kevin Toffel & Angélick Schweizer, Haute école de santé Vaud (HES-SO)

La sexualité peut être sensiblement affectée par un cancer, les traitements engendrant d’importants effets secondaires, tant physiques que psychologiques. Bien que placé·es en première ligne du suivi clinique, les infirmier·es sont silencieux·ses sur cette thématique. Si les représentations genrées font varier cet abord – les hommes atteints d’un cancer étant davantage informés que les femmes – l’âge est une variable qui permet d’appréhender les silences et évitements infirmiers face à la sexualité. Le constat d’une « dépréciation sexuelle des femmes vieillissantes », celles-ci étant « considérées avant les hommes comme ‘vieilles’ sous l’angle de leur désirabilité sexuelle et sociale » (Bozon & Rennes, 2015, 14-16), est l’un des résultats d’une enquête (2019-2020) menée par entretiens auprès de 29 infirmier·es (24F/5H) exerçant en oncologie hospitalière en Suisse romande. Les différentiels genrés de prise en charge au prisme du vieillissement qui caractérisent le non abord de la sexualité avec les patient·es seront au cœur de cette communication.

Dans les services oncologiques étudiés, les femmes sont marginalisées sur ces questions, d’autant lorsqu’elles sont considérées comme « vieilles » pour avoir de telles inquiétudes. « On discutait de ça avec une collègue » raconte Christine, « on aura plus tendance quand c’est des plus jeunes à en parler plus facilement, mais des dames de 50-60 qui auraient tout aussi bien une sexualité on en parle moins. » Le choix du vocable « dame » n’est pas anodin : il renvoie aux normes de genre en matière de sexualité, c’est-à-dire à la décence et à la respectabilité féminine (Clair, 2012), et convoque l’avancée en âge. De même, Catherine raconte son étonnement lorsqu’une patiente de 80 ans lui confie avoir découvert les bienfaits de la masturbation : « J’étais toute étonnée. J’ai eu une dame, euh comme ça de huitante ans, qui m’a expliquée à un moment donné (…) : ‘j’ai découvert la masturbation, et ça m’a fait du bien’. (Rires) Bon. » Si les aspirations sexuelles des hommes âgés semblent ordinaires, celles des femmes du même âge sont souvent pensées comme inexistantes par les infirmier·es, y compris par les plus jeunes qui adhèrent à des discours normatifs sur la sexualité de leurs ainées.

Cette communication insistera : 1) Sur la manière dont les normes de genre au prisme de l’âge – sexualité relationnelle (et secondaire) pour les femmes, sexualité pulsionnelle (et prioritaire) pour les hommes – se heurtent aux normes soignantes et entravent la parole infirmière sur la sexualité; 2) Elle montrera comment les professionnel·les de la santé participent au processus d’invisibilisation des expériences corporelles différenciées des femmes et hommes vieillissant·es.

Keywords:  Sexualité, Profession infirmière, Genre, Âge  

Un soin ET un service. Des dilemmes de la pratique professionnelle pendant le service de restauration en maison de retraite médicalisée

Laura Guérin, Université de Lille

L’alimentation des personnes âgées est loin d’être une question subalterne dans l’ordre du quotidien, bien qu’elle fasse l’objet de peu d’investigations en sociologie (Cardon, 2009; Guérin, 2016). Les pratiques alimentaires en institution sont principalement analysées de façon périphérique (Mallon, 2004; Hédouin, 2004; Rimbert, 2005), alors que le service des repas représente une part conséquente de l’activité de l’ensemble des Établissements d’Hébergements pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) . À l’heure où entre « 50 et 70 % des résident.e.s ont besoin d’une aide partielle ou totale pour s’alimenter » (ANESM, 2012b, p. 32), que bon nombre d’entre elles et d’entre eux consomment une alimentation à texture modifiée prescrite médicalement, il parait important de mieux comprendre en quoi consiste aujourd’hui le service de restauration dans les établissements. 

Qu’est-ce que l’analyse du service de restauration en EHPAD fait ressortir des enjeux de la pratique professionnelle d'accompagnement des personnes âgées institutionnalisées aujourd’hui ? Cette communication apporte des éléments de réponse en centrant l’attention sur l’activité des agent.e.s de service hospitalier (ASH) et des aides soignant.e.s (AS). L’analyse repose sur des données recueillies dans le cadre d’une thèse de doctorat en sociologie, par observation participante, rédaction d’un carnet de terrain et tenue d’une trentaine d’entretiens, pendant et en dehors des temps de repas, dans trois EHPAD de type privé associatif, durant sept mois, en France. S’ajoute un travail d’analyse des recommandations de santé publique à l’égard de la population âgée vivant en institution qui fixe les normes professionnelles de qualité dans la prise en charge de la dépendance et dont la source principale dans cet article est l’Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). 

Cette communication montre que l’activité attendue de la part ASH et des AS à l’égard des résident.e.s pendant le service des repas est de plus en plus différenciée. Un mouvement de spécialisation professionnelle est à l’oeuvre, qui distingue des professionnel.le.s dédié.e.s au service des résident.e.s ayant besoin d’une aide relativement faible pour se servir et manger (ASH) et des professionnel.le.s dédié.e.s au service des résident.e.s ayant besoin d’une aide plus importante (AS). Dans ce contexte, les AS sont reconnu.e.s comme les seul.e.s à pouvoir légitimement approcher le corps des résident.e.s. Le geste de mettre en bouche n’étant pas considéré comme anodin, il est progressivement construit comme un acte de soin nécessitant une surveillance particulière. Nous montrons que la division des tâches pendant le service de restauration est en grande partie motivée par un mouvement de médicalisation de l’alimentation au grand âge. Il s’agit de sortir le service d’une représentation domestique, c’est-à-dire d’une représentation privée de l’aide. L’aide à table est alors divisée en deux catégories : comme un acte de soin corporel et un service hôtelier. Cette communication met en évidence les dilemmes de la pratique professionnelle qui émergent au quotidien en EHPAD, la conciliation entre prendre soin et rendre un service étant souvent difficile à concrétiser. 

Keywords:  Vieillesses, Institutions, Service des repas

Qu’attendre du personnel en EMS ? Le point de vue des résident-e-s

Alexandre Lambelet, Melissa Ischer & Valérie Hugentobler, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HES-SO)

Sur la base d’une enquête menée dans un EMS de Suisse romande, articulant entretiens individuels et collectifs avec des résident-e-s en long séjour, cette intervention veut questionner les attentes qu’ont les bénéficiaires vis-à-vis du personnel. Des quoi estiment-ils le personnel comptable (accountable), ou non ? Quel regard portent-ils sur leur professionnalité ? Qu’attendent-ils en termes de type ou de qualité de relation ? En termes de propositions de collaboration, d’activités ou de rôles sociaux ? Et plus largement, quels sont les objets de possibles négociations ?

A la suite et en dialogue avec d’autres travaux questionnant dans une perspective ethnographique le vécu des résident-e-s en institutions de long séjour (par exemple : Ross, 1977; Mallon, 2004; Jaujou, Minnaërt et Riot, 2006; The, 2008 ), cette intervention veut interroger le travail des professionnel-le-s et leur professionnalité au regard de sa perception par les premiers bénéficiaires de ce travail, à savoir les résident-e-s. Elle veut plus largement questionner cette relation de service singulière qu’est l’accompagnement des personnes âgées en institution.

Keywords:  Vieillesses, Institutions, Perception du travail