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PAPER SESSIONS
Migration and minorities

Quêtes incertaines de moments et d’espaces de bonne vie : expériences croisées de femmes et familles immigrantes, de bénévoles et professionnel.le.s de la santé et du social (session 1 of 2)

From
June 28, 2021 10:45
to
June 28, 2021 12:15
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Organizers

Perrenoud Patricia, Haute Ecole de Santé Vaud/Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale; Rapp Elise, Haute Ecole de Santé Vaud/Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale

Speakers

Trossat, Marie, Ecole Polytechnique Fédérale Lausanne (EPFL), laboratoire de sociologie urbaine

Elisabeth Hirsch Durrett, membre du Comité de l’association RECIF, Neuchâtel

Johnson, Heather, Ghent University in Belgium & North Carolina State University

Dans les régions francophones et anglophones du Nord de l’Europe et de l’Amérique, la bonne vie est fréquemment posée en des termes de liberté, d’autonomie, de responsabilité et de réalisation de soi. Cette vision individualiste, néolibérale, est interrogée depuis plusieurs décennies en sciences humaines et sociales, car elle ne tient compte ni des inégalités sociales, ni des visions plus collectives de la vie et du développement humain. Cette session propose d’explorer les expériences de femmes et de familles immigrantes habitant ces régions et d’interroger tant ce qui facilite que ce qui interfère avec l’accès à des instants et des espaces de bonne vie. Sur différents terrains de recherche, l’idée d’une bonne vie n’apparaît en effet pas comme un état stable, un objectif qui pourrait s’atteindre par différentes stratégies, mais plutôt comme un résultat temporaire, parfois fugace, émergeant de différentes conditions matérielles ou sociales et de la rencontre avec d’autres, femmes et familles immigrantes, bénévoles ou professionnel.le.s de la santé et du social. Comprenant des interventions émanant de chercheur.e.s en sciences sociales et d’acteurs et actrices du milieu associatif, la session illustrera comment les statuts de séjour, l’accès au logement ou à l’emploi, la relation aux outils numériques ou le maintien des liens familiaux, contribuent à l’expérience d’une plus ou moins bonne vie de femmes et familles immigrantes. 

Au-delà de grandes catégories telles celles du logement ou de l’emploi, la session propose également un abord microsocial d’une quête plus ou moins explicite, plus ou moins facilitée, d’une bonne vie, en analysant des éléments concrets partagés par des femmes, des familles, ainsi que des bénévoles et des professionnel.le.s de la santé et du social. Différents discours, expériences et pratiques, qui questionnent les visions culturelles occidentales de l’autonomie, contredisant en particulier l’utilisation de cette notion en tant qu’indicateur de l’expérience d’une bonne vie ou de la réalisation d’un accompagnement professionnel et bénévole efficace. Enfin, entre trajectoires de vie, capabilités, rencontres fortuites et pratiques émergentes, la session questionne les quêtes de moments de bonne vie en marge de la standardisation des procédures des soins de santé et de l’aide sociale, et en considérant la superdiversité des femmes et des familles immigrantes.

Keywords: immigrant women, transnational families, interdependence, structure, agency, 


English version 

Uncertain quests for times and places of good life: experiences of immigrant women, families, as well as volunteers and health/social care professionals

In French and English-speaking regions of Northern Europe and America, a good life is frequently associated with the ideas of freedom, autonomy, responsibility and self-realisation. This individualistic and neo-liberal stance has been questioned for several decades in the social sciences, as it does not account for social inequalities nor acknowledges collective representations of life and human development. This session proposes to explore the experiences of immigrant women and families living in these regions and to question both what facilitates and what interferes with access to times and places of good life. Research fieldworks and social action initiatives unveil that a good life does not equate to a stable state, which could be achieved through an array of strategies. Rather, it is often a temporary state, emerging from material or social conditions; from being there in the company of other social actors. The session will include presentations by social scientists and by actors from the associative sector. It will discuss how circumstances such as residence status, access to housing or employment, to digital tools for the maintenance of family ties, contribute to or undermine immigrant women’s and families’ experience of a good life. 

Beside broad categories such as housing or employment, the session also examines easier and harder paths to times and places of good life from a microsocial stance, by analysing concrete situations shared by women, families, as well as volunteers and health/social care professionals. Different discourses, experiences and practices, which question western cultural visions of autonomy, contradicting in particular the use of this notion as an indicator for the experience of a good life or for the realisation of an effective professional and voluntary support. Finally, between life trajectories, capabilities, chance encounters and emerging practices, the session discusses the quest for times of good life beyond the standardisation of health and social care; and acknowledges the superdiversity of immigrant women and families.

Halte inclusive pour les femmes migrantes en transit vers le Royaume-Uni : la « Sister House » à Bruxelles

Trossat, Marie, Ecole Polytechnique Fédérale Lausanne (EPFL), laboratoire de sociologie urbaine

La Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés se met en place en 2015 afin de répondre aux besoins de plusieurs centaines de migrants d’origine majoritairement syrienne venus demander l’asile et se retrouvant à camper devant l’Office des étrangers qui enregistre au compte-goutte leur demande. La Plateforme se structure et se développe aux côtés d’acteurs humanitaires internationaux tels Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde et la Croix-Rouge par la création d’un Hub humanitaire dans le quartier Nord. A partir de 2017, son action est remise à l’épreuve : Bruxelles est traversée par de nouvelles trajectoires migratoires et un nouveau camp se met en place. Depuis le démantèlement de la jungle de Calais, des migrants campent à nouveau dans le Parc Maximilien usant du « green Hotel » pour tenter durant la nuit et en marge de la capitale de rejoindre le Royaume-Uni. L’État qui ne veut prendre des mesures pour répondre à cette problématique craignant l’ « appel d’air » impose à la Plateforme la mission d’organiser l’hébergement et le soin de ces personnes. L’hébergement privé citoyen est coordonné à l’échelle nationale et se développe massivement grâce à la médiatisation par les réseaux sociaux (240 000 nuitées dans plus de 8 000 familles sont effectués depuis septembre 2017 (chiffres de 2019)). Moins nombreuses (environ 15% des personnes, dans les chiffres les plus hauts), peu visibles et difficilement accessibles, les bénévoles repèrent l’extrême vulnérabilité des femmes et investiguent sur les violences genrées qu’elles subissent. Alors hébergées par les citoyens en priorité, la considération de ces violences (psychologique, physique ou sexuelle) invite à la création d’un espace, un « cocoon », un « endroit sûr » non-mixte. La « Sister House » prend vie en avril 2018 et accueille une vingtaine de femmes avant de s’agrandir. Dans un cadre qui se veut rassurant, de protection et de partage, les « Sisters » sont hébergées dans une forme de gestion partagée en même temps que leur sont assurées un suivi psycho-médico-social pour faire le point sur leur parcours. Majoritairement d’origine soudanaise, éthiopienne et érythréenne, les femmes sont invitées à reprendre de l’espace et souffler autour de moments de convivialité comme la cérémonie du café et des repas qu’elles organisent elles-mêmes et du soin de leur personne : du repos, des produits cosmétiques à disposition, des douches et des lessives. En respectant leur décision de ne pas demander l’asile en Belgique et en se mettant en dehors du circuit des hébergements de sans-abris traditionnels, le lieu s’auto-confère en une halte bienveillante avec l’ambiguïté de sa mission qui s’établit dans un temps très court. Basée sur l’observation et l’immersion durant plusieurs semaines en tant que bénévole dans ce lieu et sollicitant le concept d’enclave inclusive (Berger et Moritz, 2018), notre communication interrogera le rôle de cet espace sur la « bonne vie » au prisme de l’urgence, de l’attente et de la détresse du parcours migratoire.

Keywords: Asylum seekers, gendered violence, solidarity, non-mixed spaces 

Ici, j’ai rencontré une deuxième famille qui m’a donné des ailes : Echanger et apprendre dans un cadre bienveillant et sécurisé qui favorise les liens sociaux, les appartenances multiples, l'empowerment et la participation citoyenne

Elisabeth Hirsch Durrett, membre du Comité de l’association RECIF, Neuchâtel

L’Association RECIF, active depuis plus de 25 ans dans le canton de Neuchâtel, propose dans ses deux centres des activités destinées aux femmes issues de l’immigration et à leurs enfants. Conçue dès l’origine comme un lieu offrant à la fois un accueil informel, des opportunités structurées d’apprentissage du français et d’autre compétences formelles, l’accueil et la socialisation en groupe des jeunes enfants des participantes et l’échange individualisé avec une équipe de bénévoles diversifiées, l’Association se positionne comme visant tant à favoriser l’amélioration des conditions de vie des participantes qu’en tant que lieu permettant la rencontre sécurisée, l’écoute et l’échange entre personnes de milieux divers. 

Plutôt qu’une focalisation sur l’autonomie au sens étroit du terme, RECIF met l’accent sur le développement d’appartenances et sur la notion de lieu privilégié d’expression et d’échange, permettant de pallier aux manques d’entourage proche ou de contacts hors communauté ou famille nucléaire, en proposant un cadre caractérisé par la bienveillance, l’écoute et la prise en compte de parcours et de besoins spécifiques. Souvent décrits par les participantes - et parfois par les bénévoles « autochtones » - comme une seconde famille, les centres de l’Association offrent l’opportunité de contacts, de prise de responsabilité, d’échange interculturels et intergénérationnels dans un cadre sécurisé. Ainsi, dans les cours comme dans ses autres activités, RECIF inscrit au cœur de sa pratique les mises en lien et le développement d’un empowerment, tant chez les participantes et leurs enfants que chez les bénévoles qui œuvrent à leurs côtés.

Les études et réflexions déjà conduites à RECIF sur les facteurs favorisant la « bonne vie » mettent en relief la proportion notable de participantes devenant bénévoles dans le cadre de l’Association ou y prenant des responsabilités, le succès de programmes de type mentorat entre personnes établies en Suisse depuis quelques temps offrant un appui à des participantes arrivées plus récemment, l’adaptation de l’enseignement de la langue à des publics peu ou pas scolarisés dans le pays d’origine, et l’importance de l’accueil des jeunes enfants - non seulement pour offrir des temps distincts aux mamans mais également pour introduire la séparation et l’accueil en groupe à de jeunes enfants qui n’en bénéficient fréquemment pas pour des raisons financières et de priorités des structures d’accueil. 

Dans le cadre de la session, nous rendrons compte de nos activités à partir d’entretiens qualitatifs avec des participantes et des bénévoles pour faire ressortir certains aspects spécifiques ayant trait aux parcours de « récifiennes ». En particulier, la manière dont la fréquentation de RECIF a permis - ou non - de surmonter certaines difficultés, l’accent mis - ou non - sur le caractère des centres comme lieux réservés aux femmes, l’accès aux responsabilités au sein de l’Association, ainsi que l’impact sur les perspectives de « bonne vie » des participantes. Les personnes sollicitées représenteront un éventail large des parcours diversifiés rencontrés à RECIF. Il est prévu que la présentation puisse être faite par au moins une participante, une bénévole et une membre du Comité ou de l’équipe associative.

Keywords: Immigrant women, social life, literacy, non-mixed spaces 

Asylum Seekers, Food Sovereignty, and The Good Life from the Perspective of Social Care Professionals and Volunteers

Johnson, Heather, Ghent University in Belgium & North Carolina State University

Defining what constitutes “the good life” is difficult and thinking about the concept with respect to asylum seekers is an even more complicated proposition than for non-migrants or refugees with more secure legal status. One of the most identifiable, ubiquitous, yet often overlooked areas of existence that can immediately improve or degrade quality of life is food. The study of food is one of the most rapidly growing areas of social scientific research, and scholars such as Vandevoordt (2017) and Hudson (2019) have argued for the importance of access to culturally appropriate food and the ability to choose it for those at the most precarious stages of the immigrant/refugee experience. Food is inextricably linked to personal and collective notions of memory (Marte 2012), identity (Mares 2012), and belonging (Bailey 2017), and it is for this reason that a discussion of “the good life” is incomplete without it.

However, migrant studies have not comprehensively addressed the issue of the foodways of asylum seekers, especially those living in temporary reception centers, as a fundamental aspect of autonomy, community building, and meaning making. Nor has it analyzed the experiences of the volunteers and employees who assist them.

My project fills this gap by focusing on workers at a federal aid organization in East Flanders, Belgium and how their food practices and beliefs influence their attitudes and actions regarding migrant foodways. I do this from an explicitly postcolonial theoretical framework, as many scholars are calling for migration studies to frame their examination of the lives of mobile peoples via colonial power dynamics. The food sovereignty framework springs from the postcolonial, and while it has been historically applied to small-scale producers, I believe that an expansion of this powerful framework to the consumptive practices of the landless opens up new avenues not just of theoretical interest but for practical and policy applications as well.

Specifically, as part of a larger project on the foodways of asylum seekers, this presentation will highlight interviews conducted with employees and volunteers of a federal refugee aid organization in order to show the ways in which their own food practices and discourses influence their attitudes and actions, juxtaposing them against dominant narratives of the good life, immigration, and food, and situating them firmly within sociohistorical context.

I argue that by examining the discourses, attitudes, and policies of employees and volunteers who are the mediators of foodways and food access for asylum seekers, via postcoloniality and food sovereignty, social scientists can gain a better understanding of how colonial power dynamics can constrain or facilitate agency, both for the careworkers and those for whom they care. Far too often, mundane “ongoing colonialisms” (Mayblin and Turner 2021) are overlooked when asking questions regarding “the good life.” By examining the role food plays in the construction of personal and collective meaning, practitioners are better equipped to use it as a tool to enable new avenues of identity formation and agency.

Keywords: Asylum seekers, colonial studies, foodways, food sovereignty